Nike est l'une des marques de sport les plus importantes et les plus reconnaissables de la planète. La marque est leader mondial dans les vêtements, accessoires et chaussures de sport, avec des ventes atteignant plus de 37 milliards de dollars en 2020. Ce succès planétaire a bien sûr un impact écologique important : Nike possède des usines dans le monde entier et transporte sa production sur des milliers de kilomètres pour l'acheminer jusqu'aux consommateurs. Pour autant, Nike et l'écologie sont-elles incompatibles ? Faut-il éviter la marque en raison de son impact sur l'environnement ? Tentons d'apporter des éléments de réponse.
Nike affiche de grandes ambitions écologiques
Nike n'est pas la marque la plus reconnue pour son respect de l'environnement, mais elle compte bien remédier à ce déficit d'image. Elle a en effet dévoilé en 2019 son plan "Move to zero". Noel Kinder, le responsable développement durable, a déclaré : "Chez Nike, nous pensons que le changement climatique est le problème environnemental déterminant de notre génération, car la réalité est que s'il n'y a pas de plan, il n'y a pas de sport".
Le programme de la marque définit des objectifs écologiques ambitieux. Ses installations devront fonctionner avec 100% d'énergie renouvelable d'ici 2025, et les émissions de CO2 de sa chaîne d'approvisionnement mondiale devront être réduites de 30 % d'ici 2030, conformément aux Accords de Paris de 2015. Nike s'engage également à ne pas envoyer à la décharge plus de 1% des déchets issus de la fabrication de ses chaussures.
Nike a dévoilé une nouvelle collection de baskets fabriquées à partir de plastique recyclé. La marque a même créé un nouveau logo pour l'occasion, qui représente ses nouveaux engagements écologiques.
Enfin, Nike fait partie, avec d'autre grands noms de la mode dont LVMH, Kering, Chanel, Adidas et Puma, des marques ayant signé la nouvelle charte Mode des Nations Unies. Cette charte a pour but de mettre à jour les objectifs de réduction des émissions de CO2, pour les faire correspondre aux engagements de la COP26, et ainsi de viser à limiter le réchauffement climatique à +1,5°C.
Faut-il voir dans ces multiples engagements une réelle volonté d'améliorer le bilan écologique de Nike, ou simplement une opération de greenwashing ?
Epinglée plusieurs fois par des associations écologistes
Malgré ses positions récentes en faveur de l'environnement, Nike ne s'est pas toujours fait remarquer pour ses engagements écologiques.
En 2011, Greenpeace avait par exemple dénoncé ses agissements en Chine. L'association avait en effet publié un rapport sur la pollution des eaux en Chine, intitulé "Linge Sale". Le rapport dénonçait le fait que plusieurs marques de vêtements à la renommée mondiale travaillaient avec des usines de textiles qui déversaient des eaux usées toxiques dans les fleuves chinois. Deux de ces usines, (Youngor Textile City Complex et Well Dyeing Factory) se trouvent être des fournisseurs de Nike.
Plus récemment, en 2019, Nike a créé la polémique en mettant sur le marché une basket dont la semelle était composée de plus de 8000 micro-billes de polymère, la Nike Joyride. La basket est accusée de participer à la pollution aux microplastiques, de petits morceaux de plastique de moins de 5 mm de long qui se répandent dans l'environnement. Bien que la recherche sur les impacts des microplastiques soit très récente, de nombreux défenseurs de l'environnement craignent qu'ils ne causent une myriade de problèmes aux animaux, en particulier dans les océans, les lacs et les rivières.
Enfin, en 2021, Nike a été accusée par des journalistes allemands de détruire des chaussures neuves qui n'avaient pas été vendues. Détruire ces chaussures est contraire à une récente loi allemande, qui oblige les fabricants à essayer d'utiliser des produits valables plutôt que de les jeter ou de les « recycler », comme dans le processus Nike. "Ils appellent cela du recyclage, mais c'est du downcycling", explique Christian Salewski, journaliste responsable de l'enquête. "Ce qui signifie que les matériaux perdent leur valeur d'origine lorsqu'ils sont traités."
Nike et écologie : une communication plutôt transparente
Malgré ces reproches que l'on peut faire à la marque, il faut lui reconnaître une certaine transparence concernant sa communication sur l'écologie.
Nike a notamment publié, en 2019 et en 2020, des rapports très détaillés sur son impact écologique. Ces rapports permettent par exemple de savoir combien de CO2 émet Nike, mais aussi quelle est la part de chaque matériau de fabrication dans ces émissions. La consommation de carburant associée à la logistique est également détaillée.
On peut ainsi voir que Nike émet annuellement 8 millions de tonnes équivalent CO2, ce qui comprend ses propres émissions (0,1M), mais aussi celle de ses sous-traitants ("key operations", 3,7M), et celles rejetées par la production des matériaux nécessaires à la fabrication (4,2M).
Ces chiffres sont à comparer aux 2100M de tonnes équivalent CO2 produites par toute l'industrie de la mode : Nike est donc responsable de 0.38% des émissions globales du secteur, un chiffre raisonnable.
Les émissions de CO2 détaillées par modèle
Dans son rapport 2019, Nike va plus loin : elle indique les émissions produites par l'achat de chacun de ses modèles de baskets.
On constate que les différences entre modèles sont considérables : cela va de 4,3 kg de CO2 pour une paire de Tanjun, à 16,8 kg de CO2 pour les Air Force 1, le modèle le plus polluant de Nike.
Comparons ces chiffres aux émissions annuelles des français pour leurs achats vestimentaires. Un français émet en moyenne 11 tonnes de CO2 par an, et la part de la mode dans ce total est de 4,2% d'après les chiffres de Nike. Cela correspond donc à 462 kg de CO2 émis chaque année par les français pour leurs achats de vêtements.
Les émissions annuelles "mode" d'un français correspondent donc à 107 paires de Tanjun, ou bien à 27 paires de Air Force 1, des chiffres encore une fois raisonnables, même s'ils devront être considérablement réduits pour atteindre les objectifs de la COP26.
Conclusion : Nike et écologie vont-ils de pair ?
Même si Nike n'a pas brillé pour ses actions environnementales par le passé, il faut reconnaître à la marque une volonté certaine de s'engager pour la planète. La transparence dont elle fait preuve lors de ses communications annuelles est tout à son honneur, et d'autres marques de mode bien connues pourraient s'en inspirer.
Certes, acheter une paire de baskets Nike est encore loin d'être neutre écologiquement, mais la marque semble sur la bonne voie pour réduire les émissions de CO2 produites par ses articles. Elle n'a donc pas à rougir face à d'autres marques réputées pour leurs engagements, nous pensons notamment à Veja. Mais Nike pourrait prendre exemple sur cette dernière et utiliser plus de matériaux équitables et naturels pour la fabrication de ses baskets.
Une chose est sûre : pour préserver la planète, mieux vaut acheter des Tanjun que des Air Force 1 !