La petite phrase d'Eric Piolle, maire de Grenoble, ne vous aura pas échappée : pour lui, la 5G servirait avant tout à "regarder des films pornos en HD dans l'ascenseur".
Est-il si loin de la vérité ? Nous exposons ici quelques arguments qui laissent à penser qu'effectivement, la 5G est inutile. Ou tout du moins qu'elle ne tiendra pas ses promesses.
Nous prouverons cette opinion en partant d'une constat simple : les avancées promises par la 5G n'ont tout simplement... pas besoin de 5G pour fonctionner !
Des inconvénients irréfutables
Passons tout d'abord en revue la liste des inconvénients potentiels de la 5G. Celle-ci est bien connue, tant ses détracteurs les martèlent, à raison. Les voici :
- Aucune étude d'impact environnemental n'a été réalisée : il est impossible de savoir l'impact qu'aura réellement la 5G sur le climat.
- Son déploiement aboutira à un effet rebond, synonyme de forte consommation d'énergie. Bien qu'une antenne 5G soit cinq fois plus efficace énergétiquement qu'une antenne 4G à débit égal, la quantité de données échangée sera bien plus importante qu'avec la 4G, conduisant à une forte augmentation de la consommation des antennes.
- La 5G va inciter les consommateurs à renouveler leurs téléphones.
- La 5G aboutira à une hausse du niveau d'exposition de la population aux ondes.
Les promesses de la 5G : floues et limitées
Malgré ces inconvénients évidents, la 5G promettrait d'après ses partisans de rendre possibles de nombreuses innovations. Cependant, celles-ci sont en nombre très limité, et la liste que l'on retrouve est invariablement la même. Elle se résume en six grands domaines :
- Divertissements : vidéo ultra HD, jeux vidéo en streaming.
- Transports : voiture autonome, liaisons entre voitures.
- Santé : télémédecine, téléchirurgie.
- Objets connectés.
- Ville connectée : maîtrise énergétique, sécurité.
- Industrie : robotique, automatisation.
Nous allons montrer que les points 1 à 3 n'ont pas besoin de la 5G pour fonctionner.
Divertissement : la 5G inutile
Commençons par le monde du divertissement, que les partisans de la 5G mettent le plus souvent en avant. La 5G promet deux innovations principales : la vidéo ultra HD, et le jeu vidéo en streaming.
Il s'agit bien sûr de rendre ces nouveautés possibles dans les transports sur smartphone, car à domicile, mieux vaut être connecté par fibre optique.
Contrairement à ce que l'on pense souvent, la vidéo ultra HD ne fonctionnera pas mieux en 5G qu'en 4G. Les débits de la 4G sont en effet largement suffisants : jusqu'à 80Mbit/s mesurés par certains utilisateurs, de quoi diffuser une vidéo en 4K, dont le débit binaire ne dépasse pas 50MBit/s.
Dans les transports, le problème principal n'est pas le débit, mais la transition entre les antennes : la vidéo coupe souvent lorsque l'on passe d'une antenne à l'autre. Un problème qui ne sera pas résolu par la 5G, puisque la portée des antennes est plus faible que pour la 4G.
Et enfin, la vidéo ultra HD est-elle réellement nécessaire sur mobile ? D'après certains, rien n'est moins sûr : il est en effet difficile, même sur un écran 1080p, de distinguer les pixels à partir de 20 cm de distance. La différence entre définition standard et 4K serait donc quasiment invisible sur smartphone.
Voiture autonome : elle ne sera pas connectée
La voiture autonome est une autre avancée potentielle mise en avant par les partisans de la 5G.
Les voitures autonomes existent déjà à l'heure actuelle, et sont en circulation aux Etats-Unis, principalement en Californie et en Arizona.
Seules deux technologies ont fait leurs preuves et ont largement distancé le reste de la concurrence : la technologie Full Self Driving (FSD) de Tesla, et le driver Waymo, appartenant à Google. Or, aucun de ces deux systèmes ne nécessite la moindre connexion pour fonctionner en temps réel !
Le FSD de Tesla est basé sur un système de caméras et de radars qui analysent la route en direct. Ce système est relié à un calculateur présent dans la voiture, qui analyse les données grâce à des réseaux de neurones, tout comme le ferait un humain. Tout est calculé à bord de la voiture, et la seule connexion avec les serveurs de Tesla a lieu lorsque la voiture est à l'arrêt, pour transmettre les données à un supercalculateur qui les analyse a posteriori. Cette mise à jour fonctionne... en 4G.
Le système Waymo, quant à lui, repose sur la cartographie. La route est cartographiée en amont par les ingénieurs de Google, à la façon de Google Maps. Puis la voiture se repère au sein de la carte grâce à un système de détecteurs LIDAR. Aucune connexion n'est nécessaire, pas même en 4G !
Ces deux systèmes ont tant d'avance sur leurs concurrents que même Uber, pourtant leader mondial du transport, a renoncé à son programme de voiture autonome. Il est donc fort probable que la voiture autonome n'ait jamais besoin de 5G.
Télémédecine : que changera la 5G ?
Passons maintenant à la télémédecine. Les deux concepts qui reviennent le plus souvent comme applications possibles de la 5G sont les opérations à distance, et les téléconsultations.
Pour opérer à distance, les chirurgiens ont besoin d'un réseau possédant deux qualités majeures : fiabilité et faible latence. Cela permet de réduire les risques d'interruption, et de rendre le tout le plus fluide possible pour se rapprocher des conditions d'une opération in situ.
Or, pour ces deux aspects, impossible de faire mieux que la fibre optique : la fibre est par définition extrêmement fiable, puisque reliée physiquement aux extrémités du réseau. De plus, les temps de latence par fibre optique sont très faibles : pas plus de 0,5 ms sur des dizaines de kilomètres, contre 1ms pour la 5G, mais sur quelques centaines de mètres uniquement...
Quant à la téléconsultation, ce qui limite le débit est bien souvent le débit des serveurs des plateformes de visioconférences. Peu importe que l'on soit connecté en 4G, 5G ou par fibre optique si le serveur fait baisser la qualité de l'appel. Et la considération sur le temps de latence est la même que précédemment : pour avoir une faible latence, mieux vaut être connecté par fibre optique.
Un déploiement injustifié ?
Voici donc les raisons pour lesquelles la 5G est inutile pour les points 1 à 3 soulevés précédemment.
Restent les 3 points suivants, pour lesquels tout est à inventer : les objets connectés, même s'ils sont utiles pour certains, fonctionnent parfaitement en 4G, et rien ne prouve que la 5G changera leur importance dans notre vie.
La ville connectée et l'industrie sont sans doute les secteurs pour lesquels la 5G fera la plus grande différence, mais suffisent-ils à justifier le déploiement de la 5G en France avec tous les inconvénients qu'on lui connaît ?
L'avenir nous le dira. Et en attendant qu'elle soit opérationnelle, il faudra se contenter de la 4G pour agrémenter nos voyages en ascenseur.
